Photo : Xavier Rosey devant son tracteur, à la Ferme de la Digue, à Monteaux. Crédits : Bertrand Rosey pour la Ferme de la Digue.

 

Après les paysans vignerons des Vins du coin, c’est aux paysans-boulangers que s’intéresse cette dix-septième émission de Feuilles vives. L’un d’entre eux, Xavier Rosey, s’est installé sur la commune de Monteaux, à la Janverie : un hameau à la limite du Loir-et-Cher et de l’Indre-et-Loire. Son exploitation, la Ferme de la Digue, a démarré son activité il y a un an maintenant. Après un premier semis de blé en décembre 2016, les premiers pains sont sorti du four le mois dernier, pour alimenter le nouveau magasin de producteurs de Blois, « la Ferme », et l’Amap d’Orchaise.

Nous l’avons suivi lors d’une de ses journées-type. Le matin, boulangerie et livraison ! Son atelier de boulangerie sur sa ferme n’étant pas encore prêt, Xavier doit se rendre tous les matins aux Grouets pour faire son pain, au Fournil Saint-Honoré, chez le boulanger qui l’a formé. Sa marque de fabrique : un pain au levain, dont l’acidité naturelle est limitée par un processus de fermentation lente (toute la nuit en chambre froide), mais dont la densité a pu en rebuter certains. Après quelques ratés, Xavier parvient maintenant à obtenir une levée plus régulière : son processus de fabrication devrait s’affiner au fil des fournées, et surtout avec la finalisation de son atelier au milieu de ses champs.

Le travail des champs, face caché de l’activité de paysan-boulanger. La rotation des cultures (voir reportage et ci-dessous), nécessaire dans tout modèle agricole, et particulièrement en agriculture biologique, implique que Xavier ne peut pas planter du blé dans ses parcelles chaque année. Dans l’intervalle, il plante du colza et du tournesol qu’il transforme lui-même en huile et qu’il cherche à vendre en circuits courts. L’orge, le lupin, la féverole, mais aussi les tourteaux issus du pressage de l’huile, sont vendus à une ferme laitière voisine, la Corbinière (voir ci-dessous), en alimentation animale. Un atelier d’engraissage de porcs en plein air doit permettre à Xavier d’utiliser les résidus du triage du grain, le son (résidu de la transformation meunière) et le petit lait des brebis (résidu de la transformation fromagère de la ferme voisine).

Ergonomie, agronomie, économie, écologie… Tous les facteurs entrent en compte dans la conception d’un système. Le mélange d’orge et de lupin, la féverole associée avec le blé et le colza, ont non seulement un rôle commercial, mais doivent également enrichir le sol (la lupin et la féverole fixent l’azote de l’air) et améliorer sa structure (l’orge a des racines qui peuvent plonger très profondément dans le sol). Les cochons, élevés en plein air sur des parcelles différentes chaque année, ont également un rôle d’engraissage du sol, et permettent à l’exploitant de dégager un revenu important pour un temps de travail relativement limité. De plus, l’offre de porc biologique est, sur notre territoire, largement inférieure à la demande. Les noisetiers plantés autour de l’ensemble du parcellaire de Xavier (voir diaporama ci-dessous) permettent à la fois de produire de l’huile, de se protéger du vent et des pulvérisations de produits chimiques par les agriculteurs voisins, d’améliorer la santé du sol et de diversifier le paysage.

Le but est de limiter le plus possible les importations et les exportations de matériaux, de matières premières et de matières organiques. Xavier maîtrise le processus de fabrication de son pain et de son huile de la graine au comptoir de vente. Chaque sous-produit issu de ses productions est valorisé par une autre production, soit sur sa ferme, soit sur une ferme associée. Cette conception minutieuse permet la cohabitation d’une multitude d’activités, et surtout la perception d’un revenu, sur 18 hectares seulement : une surface très inférieure à la moyenne des agriculteurs en « grandes cultures » (céréales, oléagineux et protéagineux de plein champ).

Mais c’est en revenant à ces exploitations plus petites, plus diversifiées, que l’on parviendra à renouer le lien entre l’agriculture et les territoires qu’elle habite. Des fermes plus petites, donc plus nombreuses, qui doivent chercher à dégager un maximum de valeur ajoutée, en ramenant les activités de transformation et de vente sur place. Un moyen de redevenir des lieux de sociabilité, de tourisme, d’emploi, de revaloriser le travail des agriculteurs et son impact écologique et social. Les paysans-boulangers – mais aussi semenciers, meuniers, livreurs, vendeurs – sont la figure emblématique de la recherche d’autonomie, de lien social, globalement d’amélioration des conditions de vie des agriculteurs, telle qu’elle est portée par le mouvement de l’agriculture paysanne.

 


Petit diaporama :


Page Facebook de la Ferme de la Digue

…et celle de la Bergerie de la Corbinière, voisine et complémentaire ! Retrouvez sa présentation sur le site de l’Amap d’Amboise.

La Ferme de la Digue sur le site de financement participatif Miimosa

Article « rotation culturale » sur Wikipedia

Différents types de rotation pratiqués en « agriculture de conservation », un modèle agricole venu des Etats-Unis qui utilise des produits chimiques, mais qui réduit le travail du sol au maximum, afin de favoriser la vie du sol. Pour plus d’informations sur l’agriculture de conservation, vous pouvez aussi écouter l’émission que Charles Jouteux a consacré au glyphosate dans son émission Sur la place publique.


Interlude musical :

Ricet BarrierIsabelle

Le podcast :