Image : œuvre de l’installation « Art discount ». Crédits : Lucky Market.

 

Dernier reportage de Feuilles vives : on conclut ces quinze mois de diffusion avec une émission sur la Ressourcerie du Blésois : les ressourceries, ou recycleries, sont des structures, souvent associatives, dont l’objectif premier est de réduire la production de déchets, à l’échelle du territoire où elles sont implantées. Et ce, par plusieurs actions : dépôt-vente d’objets d’occasion, lien avec d’autres acteurs du recyclage ou du réemploi, et organisation d’ateliers créatifs ou de réparation.

 

Entrée de la Ressourcerie du Blésois, sur l’avenue Wilson en travaux. Crédits photo : Nicolas Patissier pour Studio Zef

 

Le dépôt et la vente d’objets d’occasion est la principale activité de la Ressourcerie, aussi bien en terme de recettes, de visibilité, que de temps de travail bénévole et salarié. Des objets sont déposés au guichet dépôt avant d’être amenés en arrière-boutique : ils y sont triés par catégories – vêtements, meubles, livres, décoration, petit ou gros électroménager – ou par destination – boutique, recyclage, déchetterie -, avant d’être éventuellement remis en état, puis mis en boutique.

 

La boutique de la Ressourcerie du Blésois. Crédits photo : Nicolas Patissier pour Studio Zef

 

Mais l’activité d’une ressourcerie ne s’arrête pas là, à la différence d’acteurs traditionnels du réemploi comme Emmaüs ou la Croix rouge. Les objets ne pouvant pas être mis en vente sont redirigés vers d’autres filières de recyclage : le Relais pour les vêtements (destinés à la revente ou à la fabrication d’isolant), Triselect pour les livres. Des contraintes d’espace et de main d’œuvre empêchent également la Ressourcerie du Blésois d’accepter tous les dépôts de ses usagers : elle les redirige alors vers les déchetteries, des points de recyclage appropriés, ou encore vers d’autres acteurs du réemploi (Adepa pour le matériel informatique, Vélo 41 pour les bicyclettes). Enfin, elle peut également mobiliser ses réseaux locaux et ses bénévoles sur des actions ponctuelles, comme la fabrication de sacs en t-shirts à destination de l’épicerie du Petit jardin.

 

L’arrière-boutique de la Ressourcerie du Blésois. Crédits photo : Nicolas Patissier pour Studio Zef

 

Cette action de conseil et de sensibilisation est complétée par une série d’ateliers créatifs ou de réparation : apprendre à redonner un coup de jeune à du mobilier défraîchi, à réparer son matériel électroménager, ou même à réutiliser ses vieux tissus pour faire des éponges. Des ateliers qui visent à changer les comportements des bénévoles, bien qu’ils ne détournent directement qu’une quantité minimale de déchets de la benne. En effet, c’est bien là l’objectif premier d’une ressourcerie, et c’est même son principal argument économique : chaque tonne de déchet incinéré ayant un coût pour la communauté d’agglomération blésoise, celle-ci doit verser une subvention proportionnelle à la quantité de déchets détournée grâce aux diverses activités de la Ressourcerie.

 

Plan de la Ressourcerie du Blésois. Crédits photo : Nicolas Patissier pour Studio Zef

 

Exceptionnellement, depuis fin juin et jusqu’au 5 octobre prochain, la Ressourcerie accueille une installation évolutive du collectif d’artistes libertaires du Lucky Market, qui détournent les matériaux et les codes de la grande distribution et de la consommation de masse dans leur boutique d’art discount : la technique artistique fondée sur la récupération de matériaux (notamment de prospectus émis par les supermarchés), les œuvres elles-mêmes et le dispositif d’exposition (qui recrée un magasin avec ses rayons, ses slogans, ses prix imbattables et ses vendeurs) détournent, critiquent et moquent notre rapport à la consommation. La théorie : mettez des trucs dans une boîte avec un petit prix affiché dessus, et le plus grand pourfendeur du consumérisme ne pourra s’empêcher d’être tenté par un accès de fièvre acheteuse… Et ça marche !

 

L’installation « Art discount » du Lucky Market, à la Ressourcerie du Blésois. Crédits photos : Nicolas Patissier pour Studio Zef

 

La Ressourcerie du Blésois comme le Lucky Market s’appuient sur nos pratiques habituelles de consommation pour les critiquer. Les boutiques bon marché des ressourceries attirent des usagers provenant de groupes sociaux populaires, voire marginaux. Elles permettent de mettre ces publics en contact avec un discours écologiste prônant la réduction des déchets, et critiquant le consumérisme à tous crins auquel nous sommes en permanence exposés dans l’espace public comme privé, par l’intermédiaire d’une publicité toujours plus omniprésente, intrusive et stigmatisante. De leur côté, les artistes du Lucky Market reprennent les matériaux, les codes et les slogans de cette publicité, à la fois pour critiquer le système productif qu’elle soutient, mais aussi pour moquer notre irréductible sensibilité aux douces sirènes du consumérisme.

 

Le vrai faux magasin du Lucky Market brouille les pistes : boutique ou installation artistique ? Crédits photo : Nicolas Patissier pour Studio Zef

 

Le reportage en podcast :